Les Nollets

  

Cliquez sur les photos
pour les agrandir.

       A peu d’exceptions près, les noms que portent actuellement les hameaux et les fermes de l’ancien comté de Saint-Fargeau sont ceux des familles qui les ont possédés et habités depuis le XVIème siècle.

       C’est le cas pour plusieurs fermes sur la commune de Saint-Martin-des-Champs (voir la liste ci-dessous).

       Les Nollets figurent parmi cette liste. Jean Naullet (ou Nollet) y vivait en 1499. Vous en trouverez l’histoire dans la suite de ce document.

La ferme des Nollets

Origines des noms de certaines fermes

Les Naullets – Jean Naullet, 1499
Les Morillons – Etienne Morillon, 1528-1700
La Cour-Buisson – Buisson, marchand à Saint-Fargeau, 1539-1674
Les Guillons – Etienne Guillon, 1545
Les Poussifs – Famille Poussif, 1560
Les Gouts – Etienne et Pasques Legoux, 1500-1566
Le Briquets – Edmée Briquet, femme Maugis, 1574
Les Duprés – Simon Dupré, 1583
Les Robins – Robin, laboureur à Saint-Martin, 1588-1623
Le moulin Maugis ou moulin Brûlé – Pierre Maugis, 1499-1750
Le Moulin Frat – Edme Frat, 1624
Les Robichons – Famille Robichon, 1660

Historique du fief Duplessis-Naullet
(extrait de l'Annuaire de l'Yonne - 1882)


       Vers le commencement du XVIème siècle, le fief du Plessis, situé sur le territoire de la paroisse de Saint-Martin-des-Champs, était enclavé entre les fiefs de Blandy, Marniaux et Ecrignelles (région des Etangs), et ceux de Lalande, des Godards, de l’Aunoy, des Morillons, des Poussifs et de la Motte-Levault-lès-Saint-Privé ; il s’étendait sur 91 arpents de terre et les divers chauffoirs du hameau.
       Vers 1540, il était déjà divisé entre deux vieilles et nobles familles représentées par François d’Assigny-Escuyer, seigneur des Mazures, de la Graineterie et la Motte près Bléneau, et par messire Louis Ducharnier, seigneur du Plessis.
       Ce dernier laissa deux filles : Antoinette Ducharnier, mariée à Jehan de Comptant, seigneur de Tuchau et de l’Aunoy, paroisse de Saint-Privé ;
       Et Marie Ducharnier, femme de noble homme Jehan H…, seigneur de Fonteneuil, près de Saint-Maurice-sur-Aveyron.
       Jehan de Comptant et la noble damoiselle, sa femme, vendirent par acte authentique du 15 avril 1572, à François Rivière, fils de Jehan Rivière et de Perrette Naullet, laboureur, demeurant à Saint-Martin-des-Champs, "Les cens, rentes, terrage, champart et autres droits seigneuriaux du fief du Plessis, qu’ils déclarèrent tenir de monseigneur François de Bourbon, dauphin d’Auvergne, marquis de Mézières et comte de Saint-Fargeau, auquel ledit acheteur devra porter foi et hommage." La vente fut faite moyennant 90 livres, que les vendeurs ont reçus comptant.
       Quelque temps après, le 8 juin 1572, François d’Assigny vendait au même François Rivière sa part dans ledit fief du Plessis, moyennant 25 livres.
       Et en 1574, le 12 août, la dame Marie Ducharnler, veuve de Jehan de H…, en son nom et au nom de ses enfants mineurs, dont elle avait la garde noble, vendait dans les mêmes termes, et au même François Rivière, tous les droits qu’elle avait sur ledit fief, moyennant 45 livres tournois.
       Ce François Rivière, laboureur et marchand à Saint-Martin, qui achetait pour la modique somme de 190 livres tournois tous les droits et privilèges d’un seigneur, était, par sa mère, membre de cette famille Naullet, qui possédait déjà une grande partie des héritages du fief en 1572, famille très ancienne en Puisaye, qui devait faire partie de ces colons venus sous la protection de Chabannes, et qu’on voit, dès 1480, recevoir des concessions dans les grands bois de la Puisaye.
       Singulière et haute destinées ! dont ce laboureur, ce petit marchand ne peut supporter le poids ! Car, huit ans après (en 1580), François Rivière, qui n’avait pas rempli ses obligations envers son seigneur et envers ses créanciers, fut poursuivi à la fois par François de Bourbon, duc de Saint-Fargeau, et Verain Nollet (sic), praticien, sergent royal demeurant à Saint-Fargeau.
       Le fief du Plessis fut saisi féodalement sur François, Pellerin et Jehan Rivière, avec les héritages qui en dépendaient, et qui provenaient de Jehan Rivière, le père.
       Le fief est ainsi désigné :
       "Fief du Plessis, consistant en cens, rentes, terrage de 12 gerbes l’une, portant profit de lods et ventes, droit de retenue en cas d’aliénation, amendes, quand le cas y échet."
       Ces saisies étaient l’objet de longues procédures et une raison de volumineuses écritures, tout comme aujourd’hui.
       On mit brandon ès champs, on fit des publications répétées aux prônes du curé de Saint-Martin et de Septfonds, suivant les prescriptions de la coutume ; les enchères furent ouvertes au baillage de Montargis devant maître Charpentier, conseiller du roi et, le 7 juin 1583, les biens et le fief furent adjugés à Verain Nollet, que les sergents introduisirent solennellement au barreau, et à qui le président conféra la tradition du fief et des immeubles décrétés, en lui remettant une plume, signe de cette tradition.
        Il y avait, sans doute, certaines réserves, et tout n’était pas fini par cet éclatant et solennel procès, car les titres portent la trace de transactions intervenues depuis entre les héritiers de Jean Rivière et Verain Nollet, en présence de J.-B. Moyreau, procureur au bailliage de Saint-Fargeau, à la suite desquelles ce Moyreau, seigneur de la Trémellerie, se trouve nanti du tiers du fief du Plessis, et Verain Nollet des deux tiers seulement, division qui s’est perpétuée dans tous les actes et reconnaissances, de 1602 à 1786.
       Verain Nollet ou Naullet (c’est l’orthographe qui a prévalu au XVIIIème siècle) laissa plusieurs enfants, et à sa mort, vers 1610, le fief du Plessis fut attribué à l’un d’eux, Nicolas Naullet, tanneur à Saint-Fargeau et marié à Jacqueline Maigon ou Maignan.
       Celui-ci ne négligea pas les bénéfices de son fief, et le 11 juin 1619 il obtint une reconnaissance censuelle de divers tenanciers, parmi lesquels se trouvait Simon Naullet, son frère, pour les deux tiers de 35 sous et 2 poules de cens et rentes.
       De son côté, Jacques Moyreau, nouveau seigneur de la Trémellerie, obtint, en 1623, comme propriétaire de l’autre tiers, une pareille reconnaissance, et parmi les tenanciers figuraient les enfants de Nicolas Naullet, sous la tutelle de leur mère.
       C’est là une de ces bizarreries si communes sous le régime féodal ; les droits y étaient ainsi mêlés et superposés, si bien que les mineurs Naullet étaient à la fois seigneurs et vassaux sur leur misérable fief.
       Aussi, dans les partages de famille, l’objet important était rarement le titre honorifique.On abandonnait aux filles le fief, c’est-à-dire l’honneur, et aux mâles le domaine utile ; et quand les biens assez importants de Nicolas Naullet échurent à ses quatre enfants, vers 1632, Edmée Naullet, la seule fille, fut pourvue des deux tiers du fief, qu’elle apporta en dot à Jacques Sylvestre (premier du nom), avocat en Parlement et receveur des lods et ventes pour le duché de Saint-Fargeau.
       Ce Jacques Sylvestre, d’une vieille et honorable famille de Puisaye, se borna à exercer modestement les droits de sa seigneurie par la perception des lods et ventes, et après la mort d’Edmée Naullet, le fief fut dévolu à Jacques Sylvestre, son fils (deuxième du nom) vers 1664.
       Ce dernier prévôt et juge ordinaire de Mézilles en 1680, voulut donner un nouveau lustre à cette seigneurie, et fit en 1685 une reconnaissance hommagée, en convertissant, au désir de la coutume, la mouvance censive en mouvance féodale.
       La qualité du fief, même possédé par un roturier, conservait encore assez d’énergie pour élever ce roturier jusqu’à lui et lui imprimer un caractère quasi-nobiliaire, dès qu’on le rajeunissait par une reconnaissance hommagée.
       C’était la prétention de Jacques Sylvestre (deuxième du nom), prévôt de Mézilles, noble homme, qui se présenta en la grande salle du château de Saint-Fargeau le 13 janvier 1685, "et là, en présence de Nicolas Messant, procureur fiscal du duché, se mit en état de vassal, tête nue, desceint, la main droite en celle du procureur de Lauzun, se déclara son homme pour les deux tiers du fief du Plessis-Naullet, mouvant et relevant en plein fief dudit seigneur à cause de son château de Saint-Fargeau, et lui fit foy et hommage, tels qu’il est tenu de faire et porter à son seigneur, et promit que son profit il pourchasserait, son dommage éviterait, et ferait tout ce qu’un vassal doit à son seigneur."
       Cette prestation solennelle de foi fut reçue au nom du duc par Jean Archambault, bailli du duché de Saint-Fargeau, le 13 janvier 1685.
       Jacques Sylvestre (deuxième du nom), noble homme, ne put transmettre à son fils, Nicolas Sylvestre, aucune de ses qualités, car celui-ci mourut avant son père, et le fief, confondu avec les biens patrimoniaux de la famille, passa à des héritiers qui le vendirent, le 12 avril 1703, à François Naullet, bourgeois à Saint-Fargeau, avec tous ses droits de cens, rentes, profits de lods et ventes, amendes de récélé et droits de retenue, moyennant la somme de 45 livres tournois.
       Le lustre momentané que lui avait donné Jacques Sylvestre, le titre de noble homme pris dans l’acte de foy et hommage, tout semble avoir disparu devant l’indifférence ou le dédain des Pajot d’Entrains et des Pomereau de Gien, ses gendres.
       La modicité de ce prix s’explique d’ailleurs par la diminution du nombre des tenanciers, puisqu’à cette époque les sieurs Naullet étaient presque seuls détenteurs des héritages compris au fief.
       Depuis le XVème siècle, en effet, à côté de ces transmissions successives du titre honorifique, les membres de la famille Naullet, marchands, bourgeois, hommes d’église, praticiens, avaient, par acquisition ou échange, concentré entre leurs mains presque tout le domaine utile, et de 1583 à 1703, j’ai retrouvé plus de quarante actes d’acquisition au nom de cette famille ;
       Onze, par Verain Naullet, sergent, et le premier auteur de cette fortune territoriale, de 1583 à 1594 ;
       Neuf, par Simon Naullet, son fils, et vingt-et-un par Edme Naullet, son petit-fils, le plus actif et le plus entreprenant de tous, de 1624 à 1703,
       Et quand François Naullet, petit-fils d’Edme Naullet eut racheté ce fief de famille, des décès prématurés, des vocations religieuses réunirent sur le tête de Marie-Anne Naullet, sa sœur, et le fief, et toute la métairie des Naullet.
       Celle-ci épousa, en 1724, Edme Leboys des Gays, fils de Jacques Leboys, notaire à Saint-Fargeau ; le mariage eut lieu avec solennité et au milieu d’un grand concours de parents et de notables de Saint-Fargeau, bailli, lieutenant du bailliage, doyen du chapitre, etc ; et par suite de ce mariage, le fief du Plessis-Naullet entra dans la famille Leboys.
       Aussi le sieur Leboys des Gays, marchand à Saint-Fargeau, tuteur de ses enfants après le décès de leur mère, fit dresser de concert avec le sieur Claude-Etienne Gueriot, co-propriétaire du fief, une reconnaissance censuelle de tous les droits afférents audit fief, par acte du 15 août 1743, il perçut les cens et rentes qui étaient dus, les droits de terrage et même les frais des poursuites exercées contre les religieuses bénédictines de Saint-Fargeau, qui ne payaient pas.
       Ces dames, en effet, étaient censitaires du fief du Plessis pour certains héritages de leurs domaines de Blandi, et des Duprés, et débitrices de 35 sus et 2 poules de cens et rentes.
       Avec elles, il ne restait plus que trois autres tenanciers, Marien Bertrand, Martin Bourdon et Loup Chambenoist, tous trois de la paroisse de Saint-Martin-des-Champs.
       Ce fief ainsi réduit passa, après le décès du sieur Leboys des Gays et de Marie-Anne Naullet, sa femme, à leurs trois enfants ; parmi eux se trouvait Edme-Jacques Leboys, demeurant à Bléneau, lequel "réclama à titre d’aîné, les bâtiments, le vol du chapon et, en outre, la moitié dans les deux tiers du revenu du fief et des héritages désignés en fief."
       Le partage qui fut dressé, le 19 octobre 1762, par Me Morot, notaire au comté de Saint-Fargeau, consacra ses prétentions, conformes à l’article 22 de la coutume de Lorris, et légitimés d’ailleurs par la reconnaissance hommagée de 1685, et les rêgles des francs fiefs.
       Les droits de franc-fief étaient, en effet, un moyen financier imaginé par l’esprit fiscal de nos rois pour autoriser, en faveur des roturiers, la possession d’un héritage noble ou hommagé ; de 20 ans en 20 ans le roi faisait publier une ordonnance de franc-fief et nouveaux acquets, et soumettait les possesseurs roturiers à une taxe assez forte.
       Edme-Jacques Leboys, qui trouvait que c’était payer un peu cher le stérile honneur de sa seigneurie, essaya bien de s’y soustraire, mais il finit par l’acquitter entre les mains de M. Hérisson, receveur à Saint-Fargeau, avec doubles et triples droits, et obtint ainsi un renouvellement de jouissance des deux tiers du fief pour une période de 20 ans.
       A sa mort, le fief, qui n’était plus que le satellite du domaine, échut à la dame Catherine-Elisabeth Leboys, sa fille, et à Jacques Martinon, marchand demeurant à Gien, qui le conservèrent jusqu’en 1789.
       Durant tout ce temps, et depuis 1602, l’autre tiers du fief du Plessis était toujours resté aux seigneurs de la Trémellerie, d’abord les Moyreau, les peyneau, puis Gueriot et Servandy ; mais en 1780, M. Navier Ducoudray, intéressé dans les affaires du roi, acheta le manoir de la Trémellerie, ses dépendances et le tiers du fief.
       M. Navier, homme d’affaires, actif et intelligent, voulut tirer de son nouveau domaine tout le parti possible.
       Il y eut entre lui et M. Martinon une lutte de limites et de terrages qui se termina par la cession, au profit de Jacques Martinin, de ce tiers du fief du Plessis, consistant, comme le dit l’acte, "en un tiers de 35 sous et 2 poules de rente, par chacun an, avec droits de lods et veutes, défauts, amendes, terrages, etc., le tout moyennant la somme de 200 livres tournois."
       Cette transaction du 4 novembre 1786 reconstitua en son entier ce fief divisé depuis deux siècles ; c’était un peu tard, car cette ombre de fief disparut, comme tant d’autres droits dont on a peut-être exagéré l’importance, dans la nuit du 4 août.
       M. Martinon fit facilement le sacrifice du titre, mais il ne voulut pas tout perdre et réclama, en 1791, des dames religieuses bénédictines de Saint-Fargeau, le paiement de 35 sous et 2 poules. Il se prévalut de certaines distinctions de la loi des 15-28 mars 1790. Mais on vendit les biens du couvent des Bénédictines, sans faire plus d’attention à la supplique du sieur Martinon que n’en fit la Constituante à la protestation des gentilshommes de la Puisaye.
       Celui-ci, alors, se résigna à la simple jouissance du domaine que la famille des Naullet, dont il était un des descendants, avait cultivé, aggloméré et constitué par un travail actif et persévérant de 250 années.
       En 1811, M. Jacques Martinon et Catherine-Elisabeth Leboys, sa femme, bourgeois de Gien, vendirent à M. J.-B., propriétaire à Saint-Fargeau, le domaine des Naullet, composé de 76 hectares de terre et de prés ; en avait dès lors oublié son titre de fief, dont il restait un monceau de titres et de plans qu’on remit à l’acquéreur. C’est dans ces parchemins, qui remontent à 300 ans, que j’ai suivi les transformations que le fief a subi depuis 1540, et les mutations d’héritages qui ont fini par constituer à côté du fief le domaine des Naullets, découronné de ses droits honorifiques et censuels, mais riche de cette belle et féconde culture qui s’est développée, là comme dans toute la Puisaye.

CH. BLANCHÉ


Site de la commune de Saint Martin des Champs (Yonne)  http://www.saintmartin89.free.fr